Laboratoire tactile incubateur d'imaginaire

du 28 avril au 19 mai 2004
Galerie Sagace, Villa Formose (Pau)







TOUT EST DIT

À partir d'une définition de la définition, on pourrait mettre en boucle un moteur d'interprétation des oeuvres de Catherine Nyeki. On aurait bien vu que pour elle la classification joue un rôle majeur, des herbiers aux alphabets, et l'on alignerait, rangés et définins, les mots semés par l'artiste, partition, association, captation, vibration, notation, et ceux plus ou moins enfouis dans le terreau numérique, collection, programmation, simulation (ainsi que le couple extroverti abstraction figuration). On aurait fixé les lignes d'explication mot à mot, par quoi seraient en définitive analysées les images produites.

C'est une tentation forte, tant au regard des réalisations multimédia (dont l'essence pluridimensionnelle semble comprise par l'ensemble chiffré et déchiffrable dont ces quelques termes assureraient la codification) que des dessins directement tracés à l'encre ou sous illustrator, logiciel de conception graphique. Issus du calcul, d'une raison purifiée par la mathématique, ou au moins filtrée par les algorithmes. De fait, cette dimension n du numérique qui prend la main est à tenir en compte.

Pourtant, le devenir végétal et animal des cellules puis des modules, le tremblé qui découle de l'incontrôlé quand le trait vibre, les mots parfois cités comme témoins, parfois comme acteurs, mot qui combinent le hongrois et le français pour que l'approximation générée devienne pure vibration, la voix enfin qui enveloppe les animations et dont la mélopée émane des partitions comme de toute partition qu'on déchiffre et fredonne, tous ces accrocs et accroches, croches et accords, criblent les couches et sous-couches et laissent percer la lumière d'un palimpseste, texte résurgent ou récurrent, échappée pulsionnelle d'onomatopées, berceuse ou comptine, épopée enfantine ou prosopopée anonyme par où s'exprime aussi une histoire humaine. Au fond, oui, au fond, dans l'enchevêtrement des signes, plus de mots secrets que de nombres discrets.

Jacques Norigeon

Catherine Nyeki est issue de l'Ècole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, section scenographie. Après diverses expériences dans le théatre, de la guerite du souffleur aux cages et maquettes des décorateurs, elle a décidé que la scène de ses créations serait l'écran informatique. Artiste musicienne digitale reconnue, participant aux rencontres nationales et internationales du multimedia, elle est l'auteur avec Marc Denjean de deux cédéroms interactifs: «Micros Univers» et «MU herbier herbarium».

Du 28 avril au 19 mai 2004, elle a projeté, «MU herbier herbarium» à SAGACE, Salle d'Art GrAphique et de Création Electronique de l'Ècole supérieure des art et de la communication de Pau, proposé la consultation de «Micros Univers», créé in situ un dessin «une carte parttition» à l'encre de 3m de long sur les murs de la galerie, exposé quatre vingt dix dessins préparatoires de «Mu herbier» de 10 x 13,5 cm, et vingt trois dessins de 29,7 x 41,5 cm réalisés entre 2000 et 2003.

Catherine Nyeki a réuni pour le neuvième Carnet Sagace une suite de partitions graphiques, avec l'assistance d'Emmanuelle Rey et selon la maquette de Ingrid Robinet. Jacques Norigeon s'est acquitté de la tentative de transcription inaugurale. Nos remerciements au passeur, Stéphane Trois Carrés.

«Peut-on tenir sérieusement un discours hospitalier à des mains avec plus de dix doigts, des pieds qui respirent comme des poumons, à des clavecins qui enfantent ?» Peter Szendy